Chaque année, des millions de personnes prennent un médicament sans savoir qu’il pourrait être faux. Ce n’est pas une hypothèse lointaine : selon l’OMS, entre 10 % et 30 % des médicaments vendus dans les pays à revenu faible ou intermédiaire sont des contrefaçons. En France, ce chiffre est inférieur à 1 %, mais cela ne signifie pas que vous êtes à l’abri. Les contrefaçons arrivent par internet, par des pharmacies non autorisées, ou même dans des boîtes qui semblent parfaitement légales. La seule chose qui peut vous protéger, parfois la dernière ligne de défense, c’est votre vigilance.
Comment reconnaître un médicament contrefait ?
Les contrefacteurs ne sont plus des artisans maladroits. Ils copient les emballages avec une précision effrayante. Mais ils ne peuvent pas tout imiter. Voici ce que vous devez vérifier à chaque achat, même si vous avez confiance en votre pharmacie.
- Emballage : Regardez les couleurs, les polices, les espacements. Un faux peut avoir une typo légèrement plus fine, un logo un peu trop brillant, ou une date de péremption mal alignée.
- Sceau de sécurité : Toute boîte de médicament légal en Europe doit avoir un sceau de tamponnage intact. Si le plastique est déchiré, mal collé, ou si vous voyez deux sceaux superposés, ne le prenez pas.
- Comprimés ou gélules : Comparez la forme, la couleur, les marques gravées sur la pilule avec ce que vous avez pris auparavant. Un changement subtil - une ligne en plus, une couleur plus pâle - peut être un signal d’alerte.
- Feuillet d’information : Si le livret est mal imprimé, avec des fautes d’orthographe ou des phrases qui n’ont pas de sens, c’est un mauvais signe.
En 2022, une étude publiée dans PMC (PMC10184969) a montré que les patients qui suivent ces étapes simples peuvent détecter entre 70 % et 80 % des contrefaçons par simple inspection visuelle. Ce n’est pas parfait, mais c’est mieux que rien.
Les codes à barres et les QR codes : votre nouvel allié
Depuis 2019, l’Union européenne impose que chaque boîte de médicament sur ordonnance porte un code à barres unique, appelé serialisation. Ce code est scanné en pharmacie avant la vente. Mais vous, vous pouvez aussi le vérifier.
En France, depuis février 2024, de plus en plus de médicaments intègrent un QR code sur l’emballage. En le scannant avec votre téléphone, vous accédez à une page officielle avec des informations sur le produit : date de fabrication, lot, et même un résumé du mode d’emploi. Ce n’est pas un simple livret numérique - c’est une preuve que le produit a été traçé depuis l’usine. Si le QR code ne fonctionne pas, ou s’il vous redirige vers un site étranger ou mal conçu, arrêtez-vous. C’est un faux.
Des applications comme MedCheck (utilisée par plus de 1,2 million de personnes dans le monde en 2024) permettent de scanner ces codes et de confirmer l’authenticité du médicament en quelques secondes. Vous n’avez pas besoin d’être un expert. Il suffit d’avoir un téléphone et de prendre cinq secondes avant de prendre votre comprimé.
Ne commandez jamais sur un site qui n’est pas vérifié
Plus de 89 % des médicaments contrefaits proviennent d’achats en ligne, selon Pfizer. Et la plupart du temps, les gens tombent dedans parce qu’ils pensent avoir trouvé une bonne affaire. Un traitement contre le diabète à 20 euros au lieu de 150 ? Un anticoagulant à moitié prix ? C’est un piège.
En France, les seules pharmacies en ligne légales affichent le logo .pharmacy dans leur adresse web. Si vous voyez un site qui se termine par .com, .eu, ou pire, .xyz, ne vous fiez pas à lui. Même si le design ressemble à une vraie pharmacie, même si les avis semblent positifs - ce sont souvent des faux.
En 2023, une enquête du NABP (National Association of Boards of Pharmacy) a révélé que 41 % des consommateurs américains avaient acheté des médicaments en ligne sans vérifier cette certification. Parmi eux, 18 % ont eu des effets secondaires graves. En France, les autorités ont signalé une augmentation de 11 % par an depuis 2022 des ventes de contrefaçons via les réseaux sociaux - Instagram, Facebook, TikTok. Là encore, les prix trop bas sont la première alerte.
Que faire si vous trouvez un médicament suspect ?
Ne le jetez pas. Ne le donnez pas à quelqu’un d’autre. Ne le rapportez pas à la pharmacie en disant « je pense que c’est un faux ». Faites-le savoir officiellement.
En France, vous pouvez contacter l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) directement via leur site ou leur ligne dédiée. En 2023, ils ont reçu plus de 4 300 signalements de médicaments suspects. Chaque signalement peut déclencher une enquête. En 2023, les signalements des patients ont permis d’intercepter 217 lots de contrefaçons dans 116 pays - ce qui a empêché environ 3,2 millions de doses dangereuses d’être consommées.
Des cas concrets existent. En janvier 2024, une femme brésilienne, Maria Silva, a remarqué que les comprimés de son traitement pour le diabète avaient une marque différente sur le côté. Elle a appelé l’ANVISA (l’équivalent brésilien de l’ANSM). L’enquête a révélé un lot entier de contrefaçons. Elle a sauvé sa famille.
Les limites de la vigilance : ce que vous ne pouvez pas voir
La vigilance du patient est puissante, mais elle a des limites. Si un faux contient le bon ingrédient actif, mais en mauvaise quantité - trop peu, ou trop - vous ne le verrez pas à l’œil nu. Si le contrefacteur a copié le code à barres ou le QR code avec une technologie avancée, vous ne le saurez pas.
C’est là que la vigilance ne suffit plus. Elle doit être accompagnée d’un système de régulation fort, de traçabilité, et de sanctions contre les trafiquants. Dans les pays où les médicaments légaux sont trop chers ou introuvables, les gens n’ont pas le choix. L’OMS le dit clairement : demander à un patient pauvre de vérifier chaque comprimé, c’est déplacer la responsabilité de l’État vers l’individu. Ce n’est pas juste.
La vigilance n’est pas une solution universelle. Mais là où les systèmes sont faibles, elle devient vitale. Et là où les systèmes sont forts, elle reste la dernière barrière avant que le médicament ne touche vos mains.
Comment devenir un patient vigilant ?
Vous n’avez pas besoin d’un diplôme de pharmacie. Voici ce que vous pouvez faire dès maintenant :
- Achetez toujours vos médicaments dans une pharmacie physique ou en ligne certifiée (avec le logo .pharmacy).
- À chaque nouvelle ordonnance, comparez l’emballage et la forme des comprimés avec ceux que vous avez pris avant.
- Scannez le QR code si votre médicament en a un - même si vous connaissez déjà le produit.
- Ne faites jamais confiance à un prix « trop bon pour être vrai ».
- Signalez tout doute à l’ANSM ou à votre pharmacien - même si vous n’êtes pas sûr.
La plupart des gens mettent entre 3 et 5 achats pour intégrer ces gestes. C’est comme vérifier les freins de votre voiture avant de partir : une habitude simple, mais qui sauve des vies.
Et demain ?
Les technologies évoluent. L’Inde teste actuellement la blockchain pour suivre chaque médicament depuis l’usine jusqu’à votre boîte. En 2027, selon Pfizer, 95 % des médicaments sur ordonnance devraient inclure un moyen de vérification pour le patient. Mais la technologie ne remplacera jamais l’œil humain. Comme l’a dit Margaret Hamburg, ancienne directrice de la FDA : « Aucune machine ne peut remplacer l’observation humaine quand 30 % des contrefaçons entrent par des portails en ligne qui semblent légitimes. »
Vous n’êtes pas un agent de police. Vous n’êtes pas un expert. Mais vous êtes la dernière personne à toucher ce médicament avant de le prendre. Et c’est précisément ce qui fait toute la différence.
Comment savoir si une pharmacie en ligne est légale en France ?
Une pharmacie en ligne légale en France doit afficher clairement le logo .pharmacy dans son adresse web. Elle doit aussi être liée à une pharmacie physique réelle et être inscrite sur le site de l’ANSM. Si vous ne voyez pas ce logo, ou si le site semble mal conçu, évitez-le. Les sites frauduleux utilisent souvent des noms proches de vraies pharmacies, mais avec des extensions comme .com, .eu ou .xyz.
Les médicaments contrefaits sont-ils dangereux même s’ils contiennent le bon ingrédient ?
Oui, et souvent plus dangereux. Un médicament contrefait peut contenir la bonne substance, mais en trop faible ou trop forte dose. Il peut aussi contenir des ingrédients toxiques comme du plomb, du sucre, du talc, ou même des produits chimiques industriels. Dans certains cas, les contrefaçons n’ont aucun ingrédient actif - ce qui peut être fatal pour des maladies chroniques comme le diabète ou l’hypertension.
Puis-je vérifier un médicament sans smartphone ?
Oui. Même sans smartphone, vous pouvez vérifier l’emballage : le sceau de sécurité, les couleurs, les fautes d’orthographe, la forme des comprimés. Si vous avez déjà pris ce médicament avant, comparez-le. Si quelque chose ne va pas, parlez-en à votre pharmacien. Il peut vérifier le code à barres avec son scanner. Vous n’avez pas besoin de technologie pour être vigilant - juste de l’attention.
Pourquoi les contrefaçons sont-elles plus fréquentes dans certains pays ?
Dans les pays à faible revenu, les systèmes de régulation sont souvent sous-financés, les contrôles sont rares, et les médicaments légaux sont trop chers ou introuvables. Les trafiquants profitent de ce vide. Selon l’OMS, jusqu’à 30 % des médicaments vendus en Afrique subsaharienne sont des contrefaçons. Ce n’est pas une question de culture, mais de manque d’accès et de protection légale.
Que faire si j’ai déjà pris un médicament suspect ?
Arrêtez de le prendre immédiatement. Conservez la boîte, le livret, et tout emballage. Contactez votre médecin ou votre pharmacien pour signaler le problème. Si vous avez des symptômes inhabituels (nausées, étourdissements, réaction cutanée), consultez un professionnel sans attendre. Signalez aussi l’incident à l’ANSM. Même si vous n’êtes pas sûr, votre signalement peut aider à protéger d’autres personnes.
Fleur Lambermon
décembre 15, 2025 AT 08:09Je viens d’acheter un anti-inflammatoire hier… et j’ai vérifié le QR code… et là, j’ai eu un coup au cœur : le site redirigeait vers un .xyz… j’ai tout jeté. Je suis choquée ! Comment on peut être aussi négligent ?! Je vais en parler à ma mère, elle achète tout en ligne parce que « c’est moins cher »…