alt déc., 8 2025

Vous prenez un antidépresseur et vous vous sentez soudainement mal ? Votre cœur bat trop vite, vous transpirez abondamment, vos muscles tremblent, et vous avez la nausée. Ce n’est peut-être pas une simple grippe. Cela pourrait être un syndrome sérotoninergique, une réaction dangereuse, parfois mortelle, causée par un excès de sérotonine dans votre corps. Ce n’est pas rare. En France, les cas ont augmenté de 22 % par an depuis 2022, surtout chez les personnes qui prennent plusieurs médicaments à la fois. La plupart des gens ne savent pas que leur traitement peut devenir toxique - même sans surdose intentionnelle.

Comment ça marche ?

La sérotonine est une substance naturelle dans votre cerveau qui régule l’humeur, le sommeil, et même la digestion. Les antidépresseurs comme les ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) ou les ISNR (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) augmentent les niveaux de sérotonine pour améliorer l’humeur. Mais quand trop de ces médicaments s’accumulent - ou quand ils sont combinés avec d’autres substances - votre corps ne peut plus gérer l’excès. Résultat : votre système nerveux entre en surchauffe.

Les médicaments les plus souvent en cause ? Les ISRS comme la sertraline ou l’escitalopram, les ISNR comme la venlafaxine, et les inhibiteurs de la MAO comme la selegiline. Mais ce n’est pas tout. Certains analgésiques comme le tramadol, des traitements contre les migraines (les triptans), ou même des sirops contre la toux avec de la dextrométhorphane peuvent déclencher le syndrome. Une simple combinaison de deux médicaments, pris comme prescrit, peut suffire.

Les signes d’alerte - à ne pas ignorer

Le syndrome sérotoninergique n’apparaît pas lentement. Il se déclenche en quelques heures. 30 % des cas se manifestent dans la première heure après la prise d’un nouveau médicament ou d’une dose augmentée. Voici les signes à reconnaître, classés par groupes :

  • Changements mentaux : agitation, anxiété soudaine, confusion, hallucinations. Beaucoup pensent d’abord à une crise de panique ou à une dégradation de leur dépression.
  • Système nerveux autonome : transpiration excessive, frissons, pouls rapide (plus de 100 battements par minute), tension artérielle élevée, température corporelle au-dessus de 38 °C, pupilles dilatées (plus de 5 mm).
  • Effets neuro-musculaires : tremblements, mouvements involontaires des muscles (twitching), réflexes trop vifs, raideur musculaire, et surtout - le signe le plus fiable - le clonus. C’est un mouvement répété et involontaire, comme un tic, souvent au niveau de la cheville ou des doigts. Si vous pouvez le provoquer en étirant doucement le pied, c’est un signal d’alerte majeur.

Les symptômes gastro-intestinaux sont aussi très courants : nausées dans 68 % des cas, vomissements dans 63 %, diarrhée dans 63 %. Beaucoup de patients pensent qu’ils ont une gastro-entérite. C’est une erreur courante - et dangereuse.

Quand c’est grave - les signes d’urgence

Si vous avez un ou deux des signes ci-dessus, consultez votre médecin rapidement. Mais si vous présentez plusieurs de ces symptômes, vous êtes en situation d’urgence :

  • Température supérieure à 38,5 °C
  • Robustesse musculaire extrême, comme si vos muscles étaient en béton
  • Convulsions
  • Arrhythmies cardiaques (battements irréguliers)
  • Perdre conscience ou être difficile à réveiller

À ce stade, le risque de défaillance multi-organes est réel. La mort peut survenir en quelques heures si la température dépasse 41,1 °C, ou si les muscles se décomposent (rhabdomyolyse), libérant des toxines dans le sang. Selon les données du Centre de surveillance des effets indésirables en Nouvelle-Zélande, entre 0,5 % et 12 % des cas sont mortels - et la plupart pourraient être évités.

Urgence hospitalière : patient en convulsions, médecin pointant des critères de diagnostic flottants, pharmacien avec symboles de médicaments.

Comment le diagnostiquer ?

Les médecins ne le reconnaissent pas toujours. Une étude de l’American Psychiatric Association montre que 25 % des cas sont manqués au départ. Pourquoi ? Parce que les symptômes ressemblent à d’autres maladies.

Le syndrome neuroleptique malin (SNM), par exemple, cause aussi une raideur musculaire et une fièvre, mais il évolue sur plusieurs jours, pas en quelques heures. Et il n’y a pas de clonus ni de réflexes hyperactifs. La toxicité anticholinergique, elle, donne une bouche sèche, une rétention urinaire, et des intestins calmes - au contraire du syndrome sérotoninergique, où les intestins sont hyperactifs.

Le critère de Hunter est la référence mondiale pour le diagnostic. Il exige la présence d’un seul de ces éléments :

  • Clonus spontané
  • Clonus provoqué + transpiration ou agitation
  • Clonus oculaire + agitation ou transpiration
  • Tremblements + réflexes hyperactifs
  • Raideur musculaire + fièvre + clonus oculaire ou provoqué

Si vous avez un de ces signes, et que vous prenez un antidépresseur ou un médicament sérotoninergique, le diagnostic est très probable - même sans analyse de sang. Il n’existe pas de taux de sérotonine dans le sang qui confirme ou infirme le diagnostic. C’est l’clinical picture qui compte.

Que faire en cas de suspicion ?

Si vous ou quelqu’un que vous connaissez présente des signes de syndrome sérotoninergique, agissez immédiatement :

  1. Arrêtez tout médicament sérotoninergique - immédiatement. Même si vous pensez que c’est « juste un petit malaise ».
  2. Appelez le 15 ou rendez-vous aux urgences. Ne perdez pas de temps.
  3. En attendant, refroidissez la personne : retirez les vêtements en excès, appliquez des compresses fraîches sur les aines, les aisselles et le front. Évitez les glaçons directs sur la peau.
  4. Hydratez avec de l’eau si la personne est consciente et ne vomit pas.

À l’hôpital, les traitements standard sont :

  • Des benzodiazépines (comme le lorazepam) pour calmer l’agitation et réduire les contractions musculaires.
  • Des perfusions pour réhydrater et soutenir la pression artérielle.
  • Le cyprohéptadine, un antidote spécifique, administré par voie orale ou par sonde nasogastrique. La dose initiale est de 12 mg, suivie de 2 mg toutes les deux heures jusqu’à amélioration.

La plupart des patients vont mieux en 24 à 48 heures si le traitement est rapide. Mais si vous attendez trop longtemps, les complications peuvent être irréversibles.

Trois personnes tenant des médicaments dangereux, une tablette brisée affiche les critères de Hunter, des pétales rouges tombent autour d'elles.

Comment éviter ça ?

La prévention est simple - mais peu connue.

  • Ne combinez jamais deux antidépresseurs sans avis médical. Même si vous avez déjà pris l’un d’eux, ajouter un autre peut être dangereux.
  • Si vous passez d’un inhibiteur de la MAO à un ISRS, attendez au moins 14 jours. C’est une règle stricte de la FDA.
  • Informez toujours votre médecin de TOUS les médicaments que vous prenez - même les sirops contre la toux, les compléments alimentaires, ou les herbes comme la mélisse ou le millepertuis.
  • Si vous commencez un nouveau traitement, surveillez votre corps pendant les 72 premières heures. C’est la période à risque.
  • En cas de doute, consultez un pharmacien. Ils sont formés pour détecter les interactions médicamenteuses - et ils ne jugent pas.

Une étude de Cedars-Sinai montre que la simple éducation des patients réduit le risque de syndrome sérotoninergique de 47 %. Pourtant, 68 % des personnes interrogées sur les forums de santé disent n’avoir jamais été averties de ce risque quand on leur a prescrit leur antidépresseur.

Un mot sur les réseaux sociaux

Sur Reddit, des milliers de personnes partagent leurs expériences. Beaucoup racontent avoir été diagnostiquées à tort pour une anxiété ou une grippe pendant des jours. D’autres décrivent comment un tremblement léger, qu’elles ont ignoré, s’est transformé en urgence vitale en quelques heures. Ce que disent ceux qui ont survécu ? « J’ai cru que c’était dans ma tête. J’ai perdu 48 heures précieuses. »

Le syndrome sérotoninergique n’est pas une maladie rare. Il est sous-diagnostiqué, sous-évalué, et trop souvent mortel - parce qu’on ne le reconnaît pas à temps. Mais vous, vous savez maintenant ce qu’il faut chercher. Et si vous le voyez chez quelqu’un d’autre, vous pouvez sauver une vie.

Le syndrome sérotoninergique peut-il arriver même si je prends mes médicaments comme prescrit ?

Oui. Ce n’est pas seulement une question de surdose. Même une dose normale peut provoquer le syndrome si elle est combinée avec un autre médicament qui augmente la sérotonine. Par exemple, prendre un ISRS avec un sirop contre la toux contenant de la dextrométhorphane, ou avec un traitement contre la migraine comme le sumatriptan, peut être suffisant. C’est pourquoi il est crucial de signaler tous les médicaments - même ceux en vente libre - à votre médecin.

Les antidépresseurs naturels comme le millepertuis sont-ils sûrs ?

Non. Le millepertuis (ou Saint-John’s wort) est un puissant stimulateur de la sérotonine. Il est souvent considéré comme « naturel » et donc inoffensif, mais il est aussi dangereux que les médicaments synthétiques. Il peut provoquer un syndrome sérotoninergique s’il est pris avec un ISRS, un ISNR, ou même un analgésique comme le tramadol. Il ne faut jamais le combiner avec un traitement antidépresseur sans supervision médicale.

Combien de temps faut-il pour se rétablir après un syndrome sérotoninergique ?

Dans les cas légers, les symptômes disparaissent généralement en 24 à 48 heures après l’arrêt du médicament et un traitement rapide. Dans les cas modérés à sévères, la récupération peut prendre jusqu’à une semaine, surtout s’il y a eu des complications comme une hyperthermie prolongée ou une atteinte rénale. La clé est la rapidité de l’intervention. Plus vous attendez, plus la récupération est longue et risquée.

Est-ce que les analyses de sang peuvent confirmer le syndrome sérotoninergique ?

Non. Il n’existe pas de taux de sérotonine dans le sang qui corresponde de manière fiable aux symptômes. Les tests sanguins sont parfois faits pour éliminer d’autres causes (comme une infection ou un déséquilibre électrolytique), mais ils ne diagnostiquent pas le syndrome. Le diagnostic repose uniquement sur les symptômes cliniques et l’historique des médicaments pris - c’est pourquoi les critères de Hunter sont si importants.

Je viens de commencer un nouvel antidépresseur. Quels signes dois-je surveiller pendant les premiers jours ?

Pendant les 72 premières heures après le début d’un nouveau traitement ou une augmentation de dose, surveillez particulièrement : des tremblements inexpliqués, une transpiration excessive, une agitation inhabituelle, des nausées ou une diarrhée soudaine, et des pupilles plus grandes que d’habitude. Si vous avez un ou deux de ces signes, appelez votre médecin. Si vous en avez trois ou plus, allez aux urgences. Ne dites pas « je vais attendre demain ». Le syndrome évolue vite - et les premières heures font toute la différence.

1 Comment

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    Brianna Jacques

    décembre 8, 2025 AT 17:35

    Je viens de lire ça en entier et j’ai l’impression qu’on m’a caché la vérité pendant des années. Mon psychiatre m’a prescrit de l’escitalopram, puis deux semaines plus tard un sirop contre la toux avec de la dextro, sans jamais me dire que c’était une bombe à retardement. J’ai eu des tremblements pendant trois jours, j’ai cru que j’étais en pleine crise d’angoisse. Résultat ? J’ai perdu 48 heures. Si j’avais su, j’aurais appelé les urgences dès le premier frisson. C’est pas une maladie, c’est un piège légalisé.

    Et les pharmaciens ? Ils sont les seuls à connaître les interactions, mais personne ne les consulte avant de prendre un truc en vente libre. On est des cobayes en blouse blanche, pas des patients.

    Je vais envoyer cet article à ma mère. Elle prend du millepertuis avec son ISRS depuis deux ans. Elle va me dire que c’est « naturel », mais je vais lui montrer les chiffres. 47 % de réduction avec l’éducation ? On devrait l’imprimer sur les boîtes de comprimés.

    Je ne suis pas panicante, mais là, j’ai froid dans le dos.

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