TL;DR
- Anticipez 6-8 semaines avant le départ : avis de votre spécialiste, vaccins, ordonnances, assurance qui couvre les maladies préexistantes.
- Règle 150 % : prenez 1,5× la quantité de médicaments, en double sac (cabine + sac de jour). Gardez-les en boîtes d’origine et à portée.
- Photosensibilité : vêtements UPF, chapeau, lunettes, SPF50+ large spectre, réapplication toutes les 2 heures. Évitez le soleil 11h-16h.
- Vols longs : levez-vous chaque heure, eau régulière, bas de compression classe 2, place côté couloir. Discutez d’une prophylaxie si antécédent de thrombose.
- Plan B : lettre médicale multilingue, plan anti-poussée, numéros d’assistance, app de dossiers médicaux hors ligne, carte européenne d’assurance maladie pour l’UE.
Voyager avec un lupus, discoïde ou systémique, demande un peu plus de préparation, mais c’est loin d’être mission impossible. Le vrai enjeu ? Profiter sans déclencher de poussée, éviter les infections, et garder la maîtrise du traitement malgré le soleil, les décalages horaires, et les contrôles de sécurité. J’habite à Lyon : quand je prépare un week-end à Marseille ou un vol vers Marrakech, je vérifie l’indice UV avant de réserver. C’est ce niveau de simplicité qu’on va viser ici - du concret, rien que du concret, validé par les recommandations (EULAR/ACR/OMS) et adapté à la vie réelle.
Planifier sans stress : avant de partir
But de cette phase : valider la destination et le timing, sécuriser vos médicaments, vos vaccins et votre assurance, et partir avec des documents qui parlent pour vous si besoin. L’idée est simple : tout ce qui est réglé avant ne vous stressera pas pendant.
Commencez 6 à 8 semaines avant le départ. Pourquoi si tôt ? Certaines vaccinations nécessitent des rappels (J0/J28) et votre médecin peut ajuster temporairement un traitement immunosuppresseur pour optimiser la réponse vaccinale. Les recommandations de la Ligue européenne contre le rhumatisme (EULAR, 2023) et celles de l’American College of Rheumatology (ACR, 2022) convergent : vaccins inactivés = OK chez les patients immunodéprimés ; vaccins vivants atténués = à éviter sous immunosuppresseurs significatifs (corticoïdes à dose modérée/élevée, biothérapies, mycophénolate, etc.).
Médicament courant | Vaccins inactivés (grippe, hépatites, typhoïde IM) | Vaccins vivants (fièvre jaune, ROR, varicelle, fièvre typhoïde orale) | Remarques pratiques |
---|---|---|---|
Hydroxychloroquine | Autorisés | Généralement évités par prudence | Peu immunosuppresseur ; utile aussi contre le paludisme en zones limitées, mais ce n’est pas une prophylaxie standard de voyage |
Méthotrexate (≤15 mg/sem.) | Autorisés | Déconseillés | Parfois suspension courte discutée pour vacciner ; à décider avec le spécialiste |
Azathioprine / Mycophénolate | Autorisés | Contre-indiqués | Risque infectieux accru : renforcez l’hygiène alimentaire |
Corticoïdes (≥20 mg/j) | Autorisés | Contre-indiqués | Évaluez un plan de réduction progressive si possible |
Biothérapies (rituximab, belimumab, etc.) | Autorisés | Contre-indiqués | Calendrier vaccinal idéal : avant la perfusion quand c’est possible |
Destination et calendrier : regardez climat, saison des pluies et indice UV. Le lupus discoïde réagit fort au soleil (UVA/UVB), et les UVA traversent vitres et nuages. Si votre projet est une île tropicale en mars, prévoyez vêtements anti-UV et ombre. Si vous visez l’altitude (>2 500 m), discutez de l’effort et de la déshydratation : la fatigue peut imiter une poussée.
Assurance voyage : vérifiez noir sur blanc la couverture des maladies préexistantes. Les petits caractères sont cruciaux : évitez les polices qui excluent « toute complication d’une affection connue ». Ciblez : couverture médicale (hospitalisation, soins urgents), évacuation sanitaire, prolongation d’hébergement, rapatriement, passagers à charge, et assistance 24/7. Demandez un certificat de stabilité si on vous le réclame (pas de modification majeure du traitement ni d’hospitalisation liée au lupus sur les X dernières semaines, selon l’assureur).
Documents à réunir : lettre médicale en français + anglais (diagnostic, traitements, doses, allergies, noms génériques, contre-indications aux vaccins vivants), ordonnances valides, justificatif pour seringues/aiguilles, carte de traitement anticoagulant si concerné, et un résumé d’une page (antécédents, contacts, groupe sanguin, fardeau de la maladie). En Europe, demandez et emportez votre Carte Européenne d’Assurance Maladie (CEAM). En dehors de l’Europe, votre assurance privée devient la pierre angulaire.
Médicaments : suivez la règle 150 % : prenez l’équivalent d’1,5 fois la durée du voyage. Divisez le stock en deux (bagage cabine et petit sac sur vous). Gardez tout en boîtes d’origine avec étiquettes. Les traitements biologiques à conserver entre 2-8 °C ? Utilisez un sac isotherme avec accumulateurs de froid homologués, et gardez-les en cabine. Beaucoup de stylos/seringues tolèrent une fenêtre hors frigo (par exemple 6 à 28 jours, selon la molécule) : vérifiez la notice de votre produit (RCP/ANSM) et notez-la sur l’emballage. Un petit capteur de température peut rassurer.
Décalage horaire : si le décalage est ≤3 h, conservez vos heures habituelles. Au-delà, ajustez sur 2-3 jours : décalez l’heure de prise d’1 h par jour jusqu’à l’horaire local, sauf corticoïde du matin qui suit le réveil local. En cas de doute, priorisez la régularité d’intervalle (par ex. 24 h ±2 h pour les quotidiens).
Paludisme et moustiques : l’hydroxychloroquine n’est pas une prophylaxie standard pour la plupart des zones aujourd’hui. Les options usuelles (atovaquone-proguanil, doxycycline) se choisissent selon destination et interactions. Anti-moustiques efficaces (DEET 30-50 %, picaridine 20 %) sur peau exposée, vêtements imprégnés de perméthrine, moustiquaire si nécessaire.
Vol et thrombose : le lupus, surtout avec antiphospholipides, augmente le risque de phlébite. Demandez si bas de compression classe 2 et, dans les cas à risque, si une dose préventive est indiquée. Bougez toutes les heures, hydratez-vous, évitez l’alcool les 24 heures autour du vol.
Check-list départ rapide
- Rendez-vous avec le spécialiste confirmé (6-8 semaines avant).
- Assurance avec couverture des maladies préexistantes validée par écrit.
- CEAM (UE) récupérée, lettre médicale bilingue imprimée + PDF hors ligne.
- Médicaments 150 %, séparation en deux sacs, stylos/seringues + justificatifs.
- Plan de poussée (ex. protocole de courte augmentation de corticoïdes si validé).
- Équipements UV : chapeau, lunettes, vêtements UPF, SPF50+ large spectre.
- Stratégie alimentation/eau selon destination (bouteilles scellées, etc.).

Sur la route : gérer soleil, vols, chaleur et hygiène sans se gâcher le voyage
Le soleil est la première variable. La photosensibilité concerne beaucoup de patients, et l’UVA traverse les vitres : bus, voiture, avion. La règle de l’ombre marche bien : si votre ombre est plus courte que vous, l’UV tape fort. Visez l’ombre, ou fabriquez-la (parasol, casquette à large bord).
Protection solaire efficace : SPF50+ large spectre (UVA/UVB), quantité généreuse (environ 30 ml pour le corps, « deux doigts » pour le visage), 20 minutes avant sortie, puis toutes les 2 heures et après chaque baignade. Complétez avec vêtements UPF (t-shirts manches longues légers), lunettes UV400 et stick lèvres SPF. Pour les lésions discoïdes, les chapeaux type « légionnaire » protègent la nuque.
Ville (été) | Indice UV à midi (médiane) | Risque photosensibilité | Mesure clé |
---|---|---|---|
Lyon | 8-9 | Élevé | Activités tôt/soir, ombre 11-16h |
Reykjavik | 5-6 | Modéré | SPF systématique, surtout surfaces réfléchissantes |
Lisbonne | 9-10 | Très élevé | Vêtements UPF + réapplication stricte |
Marrakech | 11-12 | Extrême | Éviter midi, trajets courts, couvre-chef large |
Bangkok | 10-11 | Très élevé | Vêtements légers couvrants + refroidissement |
Chaleur et hydratation : la chaleur accélère la fatigue et aggrave l’œdème. Buvez régulièrement (urine claire = bon repère), alternez intérieur/extérieur, prévoyez des pauses à l’ombre. Climatisation modérée pour éviter les chocs thermiques.
Vols et transferts : placez vos médicaments sous le siège devant vous, pas dans le coffre (qui peut être inaccessible). Mettez une trousse de secours dans votre sac de jour : antalgique habituel, pansements, antiseptique, crème corticoïde, antihistaminique, gel hydroalcoolique, thermomètre compact. Pour les bas de compression, enfilez-les avant d’arriver à l’aéroport.
Alimentation et eau : si vous êtes sous immunosuppresseur, la prudence paye. Privilégiez aliments cuits et servis chauds, fruits que vous pelez, eau embouteillée et boissons chaudes. Évitez glace artisanale, buffets tièdes, lait non pasteurisé, poissons crus hors restaurants très fiables. Ayez des sels de réhydratation orale et un anti-diarrhéique (à utiliser avec discernement ; consultez en cas de fièvre associée).
Stockage des médicaments à l’hôtel : un mini-frigo est souvent suffisant si vous surveillez l’espace proche du compartiment le plus froid (évitez la congélation). En déplacement, un étui isotherme avec gel mains libres (type cristal évaporatif) peut maintenir le frais plusieurs heures.
Décalage et routine : programmez une alarme double (montre + téléphone). Pour les hebdomadaires (par ex. méthotrexate), fixez un repère fort : « samedi soir, après dîner ». Si vous manquez une dose, ne doublez pas sans avis. Notez l’oubli et contactez votre médecin/assistance dès que possible.
Infections respiratoires : en 2025, les virus respiratoires circulent toujours. Masque haute filtration en zones fermées bondées (métro, avion, files d’attente), lavage des mains, et aérez vos hébergements quand c’est possible. Un rappel vaccinal peut être recommandé selon votre profil ; validez-le lors de la consultation pré-voyage.
Moustiques et exposition : appliquez l’anti-moustique après la crème solaire (20-30 minutes d’intervalle). Le soir, remettez-en. Habits clairs couvrants. Dormez loin des eaux stagnantes et vérifiez les fenêtre-moustiquaires.
Activité physique : gardez un rythme confortable. Une journée « étape » toutes les 3-4 journées actives limite les surcharges. Évitez de cumuler randonnée longue + baignade prolongée au soleil + dîner tardif le même jour si vous êtes déjà fatigué.
Astuce 3-2-1 pour documents : 3 copies (papier, cloud, clé USB), 2 emplacements différents, 1 exemplaire toujours sur vous. Même logique pour l’argent et les cartes.
À l’aéroport : présentez calmement votre lettre pour les seringues/biologiques au contrôle. Les agents voient ce cas tous les jours : enrôlez-les comme alliés en amont, ça se passe mieux. Gardez les stylos dans une pochette transparente.

Si ça déraille : gérer une poussée, une fièvre, ou un imprévu (et bien rentrer)
Plan anti-poussée : beaucoup de médecins donnent un protocole écrit pour les mini-poussées cutanées ou articulaires (par exemple, rehausser brièvement les corticoïdes). Respectez-le strictement. Si les symptômes touchent des organes vitaux (thorax, neurologique, reins), on sort du « plan maison » : c’est soins urgents, sans tarder.
Signaux d’alarme qui justifient une consultation rapide : fièvre persistante, essoufflement, douleur thoracique, gonflement douloureux d’un mollet, urines foncées ou mousseuses, maux de tête inhabituels, éruption étendue douloureuse ou bulleuse, vomissements incoercibles, confusion. Notez l’heure d’apparition des symptômes et ce que vous avez pris.
Assistance et téléconsultation : appelez l’assistance de votre assurance pour être orienté vers une structure adaptée. Beaucoup offrent des médecins francophones, une téléconsultation, et l’organisation d’un transfert si nécessaire. Gardez les factures et rapports : ils serviront au remboursement et aideront votre spécialiste au retour.
Perte de médicaments : rendez-vous dans une pharmacie fiable avec votre ordonnance et votre lettre médicale. Demandez une délivrance locale de la même molécule (nom générique), même dosage, même forme. Si indisponible, l’assistance peut coordonner un envoi sécurisé ou proposer une alternative équivalente validée par un médecin.
Allergies solaires et peau : si une plaque discoïde s’allume, mettez-vous à l’ombre, appliquez votre corticoïde topique si prescrit, et reprenez une photoprotection stricte. Si cloques, douleur marquée, ou surface étendue : avis médical.
Thrombose suspectée en voyage (jambe gonflée, douleur, rougeur) : immobilisez, surélevez, ne massez pas, cherchez une évaluation médicale sans délai. Les décisions (anticoagulation, imagerie) ne se prennent pas seul.
Au retour : prenez un rendez-vous de suivi. Racontez ce qui a marché et ce qui a coincé : timing des prises avec le décalage, produit solaire efficace, hôtel qui a mis un vrai frigo et pas un minibar truqué. Avec ces retours, votre prochain voyage sera encore plus fluide.
Mini-FAQ
- Puis-je recevoir le vaccin fièvre jaune si je prends une biothérapie ? Non, c’est un vaccin vivant. Demandez un certificat d’exemption et discutez de l’opportunité de reporter le voyage ou de renforcer les mesures anti-moustiques si la destination l’exige.
- La piscine d’hôtel est-elle « safe » pour ma peau ? Oui, si vous rincez la peau après, réappliquez une crème hydratante, et remettez la photoprotection en sortant. Attention au soleil réfléchi par l’eau.
- L’hydroxychloroquine suffit-elle contre le paludisme ? Non pour la plupart des zones actuelles : une prophylaxie dédiée est nécessaire selon la destination.
- Puis-je passer la sécurité avec des aiguilles ? Oui, avec ordonnance/lettre médicale et matériel en quantité raisonnable, en cabine.
- Altitude et lupus ? Possible si votre maladie est stable. Montez progressivement, hydratez-vous, écoutez la fatigue. Demandez un avis si antécédent d’atteinte cardiorespiratoire.
Check-lists prêtes à imprimer
- Pré-départ : rendez-vous médical, vaccins, assurance validée, CEAM, lettres, ordonnances, plan anti-poussée, réserves de médicaments 150 %, étui isotherme, bas de compression, anti-moustique, écran SPF50+, vêtements UPF, adaptateur électrique, copies de documents (3-2-1).
- Sac cabine : médicaments quotidiens/semaine, stylos/seringues + justificatifs, crème solaire 100 ml, gel hydroalcoolique, masques, trousse (antalgiques, anti-diarrhéique, antihistaminique, pansements, thermomètre), bouteille réutilisable (vide au contrôle), snacks salés/sucrés, bas de compression, lettre médicale imprimée.
- Sac de jour : mini-crème SPF, stick lèvres SPF, casquette/chapeau, lunettes, anti-moustique, eau, encas, pochette médicale (résumé + trad.), lingettes, portable chargé + powerbank.
Règles de pouce qui sauvent des journées
- Soleil : deux doigts de crème pour le visage, un « shoot » (30 ml) pour le corps, toutes les deux heures.
- Médicaments : si décalage horaire >3 h, ajustez d’1 h par jour jusqu’à l’horaire local (sauf corticoïdes le matin local).
- Hydratation : urine pâle = ok. Si foncée, buvez avant d’avoir soif.
- Vols : levez-vous toutes les heures. Pas d’alcool, pas de somnifères « forts » sans avis.
- Alimentation : « bouilli, cuit, pelé, ou rien » en zones à risque.
À retenir : avec un lupus discoïde ou systémique stable, un voyage bien préparé se passe très souvent bien. Les lignes directrices récentes (EULAR, ACR, OMS, Santé publique France) donnent le cap ; votre spécialiste ajuste pour votre cas. Notez vos questions à l’avance et validez votre plan. Ensuite, cap sur le plaisir : des horaires décalés, de l’ombre, des pauses, et des souvenirs pleins la tête.
Passez ce texte en revue avec votre médecin si vous avez une maladie active, êtes enceinte, ou préparez un séjour en zone tropicale avec vaccins spécifiques. Et gardez ceci en tête : lupus et voyage peuvent très bien rimer, si on décide du terrain de jeu avant de partir.