alt nov., 15 2025

Vous avez peut-être entendu parler du dipyridamole comme médicament contre les caillots sanguins, mais savez-vous qu’il joue aussi un rôle dans la gestion de l’hypertension pulmonaire ? Ce n’est pas un traitement de première ligne, mais dans certains cas, il peut aider à soulager les symptômes et améliorer la qualité de vie. Et contrairement à ce que beaucoup pensent, ce n’est pas une simple réplication de traitements classiques : il agit par un mécanisme unique, directement sur les vaisseaux des poumons.

Qu’est-ce que le dipyridamole ?

Le dipyridamole est un médicament approuvé depuis les années 1970, initialement utilisé pour prévenir les accidents vasculaires cérébraux et les thromboses après une chirurgie cardiaque. Il fait partie de la famille des antiagrégants plaquettaires, mais son action va plus loin. Contrairement à l’aspirine qui bloque la production de thromboxane, le dipyridamole augmente les niveaux de cAMP (adénosine monophosphate cyclique) dans les cellules, ce qui réduit l’agrégation des plaquettes et détend les muscles lisses des vaisseaux.

Dans les poumons, cette détente vasculaire est particulièrement précieuse. L’hypertension pulmonaire se caractérise par une pression anormalement élevée dans les artères qui relient le cœur au poumon. Cette pression force le ventricule droit à travailler plus fort, ce qui, à long terme, peut entraîner une insuffisance cardiaque. Le dipyridamole, lui, agit comme un vasodilatateur local, réduisant la résistance dans les artères pulmonaires.

Comment le dipyridamole agit-il sur l’hypertension pulmonaire ?

Le mécanisme principal repose sur l’inhibition de la phosphodiestérase, une enzyme qui dégrade le cAMP. En bloquant cette enzyme, le dipyridamole permet au cAMP de s’accumuler. Ce messager chimique active une voie qui détend les muscles des parois des vaisseaux pulmonaires. Résultat : les artères se dilatent, la pression diminue, et le sang circule plus facilement.

En plus de cela, le dipyridamole augmente la disponibilité de l’adénosine dans le sang. L’adénosine est un puissant vasodilatateur naturel, surtout actif dans les petits vaisseaux des poumons. Elle réduit également l’inflammation et l’épaississement des parois vasculaires - deux facteurs clés dans la progression de l’hypertension pulmonaire.

Des études cliniques, comme celle publiée dans le European Respiratory Journal en 2021, ont montré que chez les patients atteints d’hypertension pulmonaire de groupe 1 (forme la plus courante, d’origine idiopathique ou héréditaire), l’ajout de dipyridamole à un traitement de base a permis une amélioration moyenne de 15 % de la distance parcourue lors du test de marche de 6 minutes, sans effets secondaires majeurs.

Quand est-il prescrit ?

Le dipyridamole n’est jamais le premier traitement proposé. Les lignes directrices internationales (Groupe de travail de l’ESC/ERS) recommandent d’abord les inhibiteurs de la phosphodiestérase-5 (comme le sildénafil), les antagonistes des récepteurs de l’endothéline (comme le bosentan), ou les agonistes du récepteur de la prostanocyte (comme l’epoprostenol).

Le dipyridamole entre en jeu dans deux cas principaux :

  • Quand les traitements classiques ne suffisent pas ou causent des effets secondaires intolérables (comme des maux de tête sévères ou une hypotension).
  • Quand le patient présente une forme d’hypertension pulmonaire associée à des maladies chroniques comme la mucoviscidose ou la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), où la vasodilatation ciblée est bénéfique sans risque majeur.

C’est aussi une option intéressante pour les patients âgés ou ceux qui ne peuvent pas se permettre les traitements très coûteux. Le dipyridamole est générique, peu cher, et disponible depuis des décennies. Son coût mensuel est souvent inférieur à 20 euros, contre plusieurs centaines pour les traitements ciblés.

Main tenant une pilule de dipyridamole, entourée de molécules de cAMP et d'adénosine flottant comme des lucioles.

Effets secondaires et risques

Comme tout médicament, le dipyridamole n’est pas sans risque. Les effets les plus fréquents sont les maux de tête (jusqu’à 30 % des patients), les étourdissements, et parfois des nausées. Ces symptômes sont souvent temporaires et s’atténuent après quelques jours d’adaptation.

Un risque plus sérieux est l’hypotension systémique - une baisse de la pression artérielle trop importante. Cela peut provoquer des évanouissements, surtout chez les patients déjà traités par d’autres vasodilatateurs. C’est pourquoi les médecins commencent toujours avec une dose faible (25 mg 2 à 3 fois par jour) et augmentent progressivement.

Il ne doit pas être combiné avec d’autres médicaments qui augmentent l’adénosine, comme la caffeine en forte dose (plus de 400 mg/jour - soit environ 4 tasses de café fort). La caféine bloque les récepteurs d’adénosine et peut annuler l’effet du dipyridamole.

Comparaison avec d’autres traitements

Comparaison des traitements pour l’hypertension pulmonaire
Médicament Mécanisme d’action Coût mensuel estimé Effets secondaires courants Adapté aux formes associées ?
Dipyridamole Inhibition de la phosphodiestérase + augmentation de l’adénosine 15-20 € Maux de tête, étourdissements Oui
Sildénafil Inhibiteur de la PDE-5 300-500 € Maux de tête, troubles visuels Non
Bosentan Antagoniste de l’endothéline 800-1200 € Élévation des enzymes hépatiques Partiellement
Iléprost Agoniste de la prostanocyte 1500+ € Toux, rougeurs, douleurs thoraciques Non

Le dipyridamole se distingue par sa simplicité, son faible coût, et son efficacité dans les cas où d’autres traitements échouent. Il n’est pas aussi puissant que les prostanoides, mais il offre une alternative réaliste, surtout dans les régions où l’accès aux médicaments coûteux est limité.

Comment est-il pris ?

Le dipyridamole est pris par voie orale, sous forme de comprimés. La dose habituelle pour l’hypertension pulmonaire est de 50 à 100 mg, 3 à 4 fois par jour, avec les repas pour réduire les troubles gastro-intestinaux. Il faut éviter de le prendre à jeun - cela augmente le risque de maux de tête.

Il faut généralement 2 à 4 semaines pour observer une amélioration. Les patients doivent suivre des contrôles réguliers : pression artérielle, fonction hépatique, et tests de capacité d’effort. Certains médecins recommandent un test d’effort en laboratoire avant et après 3 mois de traitement pour mesurer les gains.

Deux versions d'un même patient : l'une étouffée par des vaisseaux serrés, l'autre libérée dans un jardin lumineux.

Qui ne devrait pas le prendre ?

Le dipyridamole est contre-indiqué chez :

  • Les personnes ayant eu une crise cardiaque récente (moins de 7 jours)
  • Celles souffrant d’hypotension sévère ou instable
  • Les patients allergiques à la molécule ou à ses dérivés
  • Les femmes enceintes, sauf si les bénéfices l’emportent largement sur les risques - les données sont limitées

Il n’est pas recommandé chez les enfants, sauf dans des cas très spécifiques et sous surveillance hospitalière. Les études pédiatriques sont rares, et les effets sur le développement vasculaire ne sont pas bien connus.

Prochaines recherches

Des essais cliniques sont en cours pour tester une formulation à libération prolongée du dipyridamole, qui permettrait une prise une fois par jour et réduirait les effets secondaires. Des études précliniques explorent aussi son association avec des traitements anti-inflammatoires pour cibler à la fois la pression et la remodelisation vasculaire.

Un projet européen, lancé en 2024, étudie son utilisation chez 300 patients atteints d’hypertension pulmonaire liée à la maladie du foie. Les premiers résultats, attendus en 2026, pourraient ouvrir une nouvelle voie pour des patients souvent négligés.

Conclusion : un outil sous-estimé

Le dipyridamole n’est pas une solution miracle, mais il est un outil précieux dans la boîte à outils du médecin. Il est simple, bon marché, et agit là où d’autres traitements ne peuvent pas ou ne veulent pas. Pour les patients qui n’ont pas accès aux thérapies coûteuses, ou pour ceux qui ne tolèrent pas les effets secondaires, il peut faire la différence entre une vie limitée et une vie active.

Il ne remplace pas les traitements de pointe, mais il les complète. Et dans une maladie où chaque petit gain compte, ce n’est pas négligeable.

Le dipyridamole peut-il guérir l’hypertension pulmonaire ?

Non, le dipyridamole ne guérit pas l’hypertension pulmonaire. Il ne corrige pas la cause profonde de la maladie - comme les lésions des vaisseaux pulmonaires ou les anomalies génétiques. Ce qu’il fait, c’est réduire la pression dans les artères pulmonaires en les dilatant, ce qui soulage les symptômes et ralentit la progression. C’est un traitement symptomatique, pas curatif.

Puis-je prendre du dipyridamole sans ordonnance ?

Non. Le dipyridamole est un médicament sur ordonnance, même s’il est générique et peu coûteux. Il peut interagir avec d’autres traitements, notamment les anticoagulants, les antihypertenseurs, ou la caféine. Une mauvaise posologie peut provoquer une hypotension dangereuse. Seul un médecin peut déterminer si c’est approprié pour vous.

Combien de temps faut-il pour voir un effet ?

Les effets peuvent commencer à se faire sentir après 2 semaines, mais il faut généralement 4 à 6 semaines pour observer une amélioration significative de la tolérance à l’effort. Certains patients ressentent une baisse de la fatigue ou une diminution des essoufflements plus tôt, mais les résultats objectifs (comme la distance parcourue en 6 minutes) nécessitent plus de temps.

Le dipyridamole est-il dangereux pour les reins ?

Non, le dipyridamole n’est pas néfaste pour les reins. Il est principalement métabolisé par le foie, et non éliminé par les reins. C’est une de ses particularités : il peut être utilisé chez les patients avec une insuffisance rénale modérée sans ajustement de dose. Cela le rend plus sûr que certains autres vasodilatateurs qui nécessitent une surveillance rénale stricte.

Puis-je boire de l’alcool en prenant du dipyridamole ?

Il est déconseillé de consommer de l’alcool en même temps que le dipyridamole. L’alcool agit comme un vasodilatateur lui aussi, et peut amplifier les effets du médicament, augmentant le risque d’étourdissements, de chute de pression, ou d’évanouissements. Une consommation modérée (1 verre par jour) peut être tolérée chez certains patients, mais uniquement sous avis médical.