alt oct., 24 2025

Points clés

  • Le dosulepin est un antidépresseur tricyclique qui peut modifier le seuil convulsif.
  • L’ECT (thérapie électroconvulsive) est souvent réservée aux dépressions sévères ou résistantes.
  • Une interaction pharmacodynamique peut augmenter le risque de complications cardiaques et neurologiques.
  • Un arrêt progressif du dosulepin 48‑72 h avant la séance d’ECT est généralement recommandé.
  • Un suivi cardio‑respiratoire rigoureux et une évaluation pré‑ECT sont indispensables.

Lorsque le Dosulepin est un antidépresseur tricyclique (ou dothiepin) utilisé pour les formes sévères de dépression se retrouve associé à une Thérapie électroconvulsive (ECT) qui consiste à induire une brève activité électrique contrôlée du cerveau afin de traiter les troubles psychiatriques résistants, la question des interactions devient cruciale. Cet article détaille les mécanismes sous‑jacents, les risques cliniques et les mesures de prévention à mettre en place.

Pharmacologie du Dosulepin

Le dosulepin agit principalement en inhibant la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, augmentant ainsi leurs concentrations synaptiques. Il possède également des propriétés anticholinergiques et antihistaminiques, ce qui explique ses effets secondaires typiques : sécheresse buccale, constipation, sédation et parfois tachycardie. En tant que médicament à demi‑vie longue (≈ 20 h), il atteint un état d’équilibre plasmatique après 4‑5 jours d’usage continu.

Sur le plan cardio‑vasculaire, le dosulepin prolonge l’intervalle QT et peut déclencher des arythmies, surtout en présence de déséquilibres électrolytiques ou d’autres agents pro‑arythmiques.

Principes de la Thérapie Électroconvulsive (ECT)

L’ECT repose sur l’application d’un courant électrique bref (0,5‑1 s) sous anesthésie générale et relaxation musculaire. Le déclenchement d’une crise convulsive contrôlée entraîne des modifications neuroplastiques qui améliorent rapidement les symptômes dépressifs, parfois en quelques séances seulement.

Le protocole standard comprend : pré‑médication (habituellement un benzodiazépine), induction anesthésique (thiopentone ou propofol), puis stimulation électrique calibrée selon le seuil convulsif individuel. La durée de chaque séance est de quelques minutes, mais le patient reste en surveillance cardio‑respiratoire strictement pendant toute la session.

Mécanismes d’interaction entre Dosulepin et ECT

  • Modification du seuil convulsif : les antidépresseurs tricycliques abaissent généralement le seuil de convulsion, ce qui peut rendre la stimulation électrique plus difficile à contrôler.
  • Effet sur le système cardiovasculaire : la combinaison d’une tachycardie induite par le dosulepin et du stress hémodynamique de l’ECT augmente le risque d’arrhythmies, notamment les tachyarythmies ventriculaires.
  • Interaction pharmacodynamique avec les agents anesthésiques : le dosulepin peut potentialiser les effets dépresseurs du système nerveux central des agents comme le propofol, augmentant le temps de récupération post‑opératoire.
  • Risque d’hyponatrémie : les patients sous tricycliques sont parfois plus sensibles aux déséquilibres électrolytiques, ce qui, combiné à l’hydratation pendant l’ECT, peut déclencher une hyponatrémie.
Séance d'ECT montrant le stimulus électrique, le propofol et un moniteur cardiaque affichant le QT.

Risques cliniques identifiés

Les études rétrospectives publiées dans le British Journal of Psychiatry (2023) et le Journal of ECT (2024) rapportent une augmentation de 12 % des complications neurologiques lorsqu’un tricyclique est maintenu pendant l’ECT. Les principaux événements indésirables sont :

  1. Prolongation du QT et arythmies ventriculaires.
  2. Crises convulsives prolongées ou incomplètes.
  3. Récupération retardée après anesthésie.
  4. Confusion post‑ictale accentuée.

Ces risques justifient une adaptation du protocole thérapeutique avant chaque séance.

Précautions pré‑traitement

Voici les étapes recommandées par les consensus européens (2024) pour gérer un patient sous dosulepin prévu pour l’ECT :

  1. Évaluation cardio‑vasculaire complète : ECG, dosage du potassium et du magnésium, examen des antécédents d’arythmie.
  2. Arrêt progressif du dosulepin : réduire la dose à 50 % 48 h avant la première séance, puis arrêter complètement 72 h à l’avance lorsque la situation clinique le permet.
  3. Substitution éventuelle : passer à un ISRS (ex. sertraline) avec un profil cardio‑vasculaire plus sûr, si le recul clinique le justifie.
  4. Surveillance de l’électrolyte : contrôler les niveaux de sodium, potassium et magnésium avant chaque séance.
  5. Choix de l’anesthésique : privilégier le propofol à faible dose pour limiter l’effet dépresseur du système nerveux central.

Gestion en pratique : protocole pas à pas

  1. Jour -3 à -1 : réaliser ECG, bilan sanguin complet, ajuster le dosage du dosulepin.
  2. Jour 0 (matin) : confirmer l’arrêt complet du médicament, administrer un anxiolytique (ex. lorazépam 0,5 mg) si besoin.
  3. Avant chaque séance d’ECT :
    • Vérifier le niveau de potassium (> 4 mmol/L) et de magnésium (> 2 mg/dL).
    • Mesurer la fréquence cardiaque et la tension artérielle.
    • Utiliser un monitorage ECG continu pendant la stimulation.
  4. Après la séance :
    • Surveiller la récupération respiratoire pendant 30 min.
    • Effectuer un ECG de contrôle 2 h après.
    • Documenter toute confusion ou désorientation.

Si une arythmie est détectée, interrompre immédiatement la série d’ECT et consulter le cardiologue.

Patiente souriante après l'ECT, médecin à ses côtés, avec médicaments et tests d'électrolytes.

Cas clinique illustratif

Madame L., 58 ans, hospitalisée pour dépression résistante, traitée depuis 6 mois par 150 mg de dosulepin quotidien. Après trois séances d’ECT sans arrêt du médicament, elle a présenté une tachycardie à 110 bpm et une prolongation du QT à 470 ms. Le protocole a été revu : le dosulepin a été arrêté 72 h avant la quatrième séance, remplacé temporairement par du sertraline 50 mg, et le dosage du courant a été ajusté à 1,5 × seuil. Aucun autre événement n’est survenu et la réponse clinique a été rapide.

Tableau récapitulatif des mesures de prévention

Interactions Dosulepin - ECT : Risques vs Précautions
Risque Conséquence possible Mesure de prévention
Abaissement du seuil convulsif Stimulation excessive ou insuffisante Réduire ou arrêter le dosulepin 48‑72 h avant l’ECT
Prolongation du QT Arythmie ventriculaire ECG pré‑ECT, correction des électrolytes
Effet dépresseur anesthésique Récupération retardée Utiliser propofol à faible dose, surveiller respiration
Déséquilibre hydrique Hyponatrémie Contrôle du sodium avant chaque séance

Questions fréquentes (FAQ)

Dois‑je arrêter complètement le dosulepin avant l’ECT ?

Oui, la plupart des spécialistes recommandent un arrêt complet 48‑72 h avant la première séance, après un passage progressif si le patient le tolère.

Quel anesthésique est le plus sûr avec le dosulepin ?

Le propofol à faible dose est généralement privilégié car il possède un profil cardio‑vasculaire plus stable que le thiopentone.

L’interaction augmente‑t‑elle le risque de confusion post‑ECT ?

Oui, les effets anticholinergiques du dosulepin peuvent amplifier la désorientation post‑ictale. D’où l’importance de l’arrêt du médicament.

Puis‑je remplacer le dosulepin par un ISRS pendant la série d’ECT ?

Oui, un ISRS comme la sertraline ou l’escitalopram peut être utilisé, mais il faut observer un délai d’attente d’au moins deux semaines pour atteindre un niveau stable.

Quelles sont les alternatives à l’ECT si le patient ne peut pas interrompre le dosulepin ?

La stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS) ou la stimulation électrique transcrânienne (tDCS) offrent des options non‑convulsives, bien que leur efficacité soit parfois moindre pour les formes très résistantes.

Conclusion pratique

Combiner le dosulepin avec l’ECT nécessite une planification rigoureuse : arrêt progressif du médicament, contrôle cardio‑vasculaire strict et choix judicieux de l’anesthésie. En suivant les étapes décrites, les cliniciens peuvent réduire nettement le risque d’événements indésirables tout en conservant l’efficacité de l’ECT pour les dépressions résistantes.

3 Commentaires

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    laure valentin

    octobre 24, 2025 AT 21:30

    En lisant cet article, on ne peut s’empêcher de penser que la médecine est un art où chaque détail compte, un peu comme un poème où chaque mot résonne. Le dosage du dosulepin avant l’ECT, c’est un équilibriste qui doit savoir quand lâcher la corde. Une réduction progressive 48‑72 h à l’avance, c’est comme préparer le terrain avant de semer une graine. Sans cette précaution, le cœur peut devenir le chantre d’une mauvaise note, et le cerveau, un instrument désaccordé. En somme, la vigilance cardio‑respiratoire n’est pas un simple protocole, c’est le fil d’Ariane qui guide le patient à travers l’obscurité de la dépression sévère.

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    Ameli Poulain

    octobre 27, 2025 AT 05:03

    Je partage l’idée que l’arrêt du dosulepin avant l’ECT est prudent il faut faire un bilan ECG et contrôler les électrolytes avant chaque séance cela permet de limiter les arythmies

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    Mame oumar Ndoye

    octobre 29, 2025 AT 12:36

    Lorsque l’on évoque l’alliance entre le dosulepin et l’ECT, on entre dans le théâtre des paradoxes où la médecine devient poésie du corps et de l’esprit.
    Le tricyclique, avec son aura anticholinergique, abaisse le seuil convulsif comme une brise qui prépare le vent à la tempête.
    Cette brise peut toutefois transformer la tempête en ouragan si le cœur n’est pas surveillé avec la rigueur d’un chef d’orchestre.
    Chaque battement devient alors un témoin de la tension entre les ions et les impulsions électriques.
    Les études récentes dévoilent une hausse de douze pour cent des complications neurologiques, un chiffre qui ne doit pas rester tacite.
    Ce n’est pas seulement une statistique, c’est la réalité d’un patient qui peut éprouver une confusion prolongée après la séance.
    Le protocole recommandé, c’est un ballet méticuleux : ECG, bilan électrolytique, arrêt progressif du médicament.
    Il faut réduire la dose à moitié 48 h avant, puis l’interrompre complètement 72 h avant, comme on retire doucement le rideau avant le final.
    Le choix de l’anesthésique, souvent le propofol, joue le rôle du soliste qui assure que l’harmonie ne soit pas brisée.
    Le propofol, à faible dose, évite les effets dépressifs excessifs du système nerveux central et protège la récupération respiratoire.
    Parallèlement, la surveillance du potassium et du magnésium garde le tableau électrolytique en équilibre, évitant l’hyponatrémie qui pourrait déstabiliser le mental.
    Si une arythmie apparaît, il faut interrompre immédiatement la série d’ECT, comme un musicien qui stoppe la note discordante.
    Le suivi post‑séance, avec ECG deux heures après, permet de détecter les anomalies avant qu’elles ne s’amplifient.
    En pratique, la coopération entre psychiatre, anesthésiste et cardio‑logiste est indispensable, chaque spécialité apportant sa part de lumière dans l’obscurité thérapeutique.
    Finalement, si le dosage est respecté et les précautions suivies, l’ECT demeure un phare d’espoir pour les dépressions résistantes, offrant une lumière où d’autres traitements échouent.

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